Retraite progressive – 3 questions à Franck Renaudin

Franck Renaudin. Il faut déjà repartir de la situation actuelle. Qu’est-ce que la retraite progressive ? C’est la possibilité offerte aux personnes en fin de carrière de diminuer leur temps de travail et de percevoir en parallèle une partie de leur pension de retraite.

La situation type, c’est celle d’un salarié qui passe aux 4/5ème : je travaille quatre jours, et je suis retraité un jour dans la semaine. Il est possible de diminuer jusqu’aux 2/5ème (mais pas au-delà !). Les avantages sont multiples pour les salariés en fin de carrière : cela permet de dégager du temps pour préparer sa retraite, pour lancer un nouveau projet, ou tout simplement – particulièrement dans le cas des métiers pénibles – de continuer à travailler plus longtemps.

Aujourd’hui, pour être éligible, il faut avoir cotisé 150 trimestres et être à deux ans de l’âge légal de départ à la retraite. Les négociations qui se tiennent en ce moment entre les partenaires sociaux portent sur deux objets principaux : d’un côté, élargir le dispositif dès quatre ans avant l’âge légal, et de l’autre, faire de la retraite progressive un droit opposable (car pour l’instant, l’employeur peut parfaitement refuser la demande d’un salarié qui souhaiterait aménager sa fin de carrière de cette façon).

Franck Renaudin. C’est un dispositif plutôt avantageux pour les salariés. La retraite progressive répond à certaines aspirations profondes des travailleurs seniors, et pas seulement dans le cas des métiers pénibles que j’évoquais plus haut.

Que nous disent les seniors ? Que les transitions, aujourd’hui, sont trop brutales : du jour au lendemain, vous passez de salarié à retraité… La retraite progressive, comme son nom l’indique, permet d’aborder ces phases de transition de manière plus… progressive !

Un autre point doit retenir notre attention : les travailleurs qui arrivent en fin de carrière ont souvent le désir de transmettre et de former leurs successeurs, ce que l’intensité du rythme de travail ne permet qu’assez rarement. La retraite progressive constitue peut-être le bon cadre pour passer le témoin à la génération suivante.

Au rang des inconvénients, il existe du côté des entreprises – et en particulier des services RH – un certain nombre d’appréhensions. Si tout à coup, j’ai un certain nombre de salariés qui demandent à passer aux 4/5ème, comment vais-je organiser le travail dans mon entreprise ? Et ensuite, dans la mesure où il s’agit d’un cadre plutôt confortable pour les salariés et qu’il n’existe aujourd’hui aucune disposition qui les oblige à partir à la retraite complète passé un certain âge, comme vais-je pouvoir anticiper les vagues de départ à la retraite ?

Bref, c’est une bonne idée en soi, mais qui ne va pas sans son lot de complexités qui peuvent inquiéter aussi bien du côté des entreprises que des caisses de retraite. J’en veux pour preuve que le dispositif souffre d’une vraie méconnaissance, en partie due à un défaut de promotion au sein des entreprises : sur les 600 000 ou 700 000 personnes qui partent chaque année à la retraite, il y en a à peine plus de 20 000 qui optent pour la retraite progressive. C’est une goutte d’eau !

Mais la mise à l’agenda de ce sujet dans l’accord sénior en discussion entre les partenaires sociaux montre que les choses pourraient bouger vite en faveur de ce dispositif.