Notre expert
Rodolphe Delacroix
Directeur Associé Rémunération et Actionnariat
Depuis un an, Alixio publie les résultats de son enquête trimestrielle Inflation-Salaire afin d’aider les entreprises à préparer et réussir leurs Négociations Annuelles Obligatoires (NAO) dans le contexte d’une inflation élevée.
Ce contexte nous rappelle une époque oubliée : celle des années 80 que peu de DRH ont eu à gérer. Lors de la première enquête publiée en septembre 2022, c’est un effet de sidération qui transparaissait dans les réactions de nos interlocuteurs Directeurs des Ressources Humaines, des Relations Sociales ou des Rémunérations : comment allons-nous aborder les NAO avec une inflation qui tutoie les 6% ?
La prise de conscience de la nécessité de se mettre au niveau de l’enjeu social d’une telle situation est apparue très rapidement : les entreprises ont décidé des budgets salariaux plus conséquents, supérieurs à 4%, pour lancer les premières négociations. Elles se sont vite rendu compte que cela ne suffirait pas pour calmer les attentes des salariés et éviter que le climat social ne se dégrade. Elles décident alors d’utiliser massivement, dès l’automne, la nouvelle Prime de Partage de la Valeur (PPV) pour rassurer les salariés et calmer les attentes avant que ne commencent les NAO 2023.
Début 2023, elles décident de maintenir ce cap tant que les premiers signes d’une décélération de l’inflation ne seront pas manifestes. Ces signes étant tangibles depuis quelques mois (malgré la remontée du mois d’août à 4,3%), elles prévoient pour les NAO 2024 des budgets en baisse, à 4% en médiane (3,8% en moyenne), selon la dernière enquête Alixio publiée [i]. Un sans-faute jusqu’ici. Essayons de mieux comprendre les tenants et les aboutissants de cette réussite, sans occulter les signaux faibles qui pourraient déstabiliser le climat social dans le nouveau contexte économique et social qui se profile à l’horizon.
Notre expert
Rodolphe Delacroix
Directeur Associé Rémunération et Actionnariat
Depuis un an, Alixio publie les résultats de son enquête trimestrielle Inflation-Salaire afin d’aider les entreprises à préparer et réussir leurs Négociations Annuelles Obligatoires (NAO) dans le contexte d’une inflation élevée.
Ce contexte nous rappelle une époque oubliée : celle des années 80 que peu de DRH ont eu à gérer. Lors de la première enquête publiée en septembre 2022, c’est un effet de sidération qui transparaissait dans les réactions de nos interlocuteurs Directeurs des Ressources Humaines, des Relations Sociales ou des Rémunérations : comment allons-nous aborder les NAO avec une inflation qui tutoie les 6% ?
La prise de conscience de la nécessité de se mettre au niveau de l’enjeu social d’une telle situation est apparue très rapidement : les entreprises ont décidé des budgets salariaux plus conséquents, supérieurs à 4%, pour lancer les premières négociations. Elles se sont vite rendu compte que cela ne suffirait pas pour calmer les attentes des salariés et éviter que le climat social ne se dégrade. Elles décident alors d’utiliser massivement, dès l’automne, la nouvelle Prime de Partage de la Valeur (PPV) pour rassurer les salariés et calmer les attentes avant que ne commencent les NAO 2023.
Début 2023, elles décident de maintenir ce cap tant que les premiers signes d’une décélération de l’inflation ne seront pas manifestes. Ces signes étant tangibles depuis quelques mois (malgré la remontée du mois d’août à 4,3%), elles prévoient pour les NAO 2024 des budgets en baisse, à 4% en médiane (3,8% en moyenne), selon la dernière enquête Alixio publiée [i]. Un sans-faute jusqu’ici. Essayons de mieux comprendre les tenants et les aboutissants de cette réussite, sans occulter les signaux faibles qui pourraient déstabiliser le climat social dans le nouveau contexte économique et social qui se profile à l’horizon.
Une maîtrise inattendue du retour d’une inflation élevée
La première chose à souligner est que les entreprises ont fait une analyse pertinente du contexte économique et social apparu à la rentrée 2022 :
- Face à une inflation élevée, elles ont fait le pari d’un phénomène conjoncturel et non durable, suivant en cela les prévisions de la BCE tablant sur un début de retour à la normale en 2024 : 60% des répondants à l’enquête considéraient en septembre 2022 le retour de l’inflation comme conjoncturelle contre 54% un an plus tard.
- Face à une inflation dont l’origine remonte au confinement et au Covid et dont le détonateur a été la guerre en Ukraine avec le renchérissement des prix de l’énergie et de l’électricité, les entreprises ont constamment réajusté leurs prévisions en tablant sur des niveaux d’inflation plus ou moins élevés : ainsi début 2023, 63% anticipaient une inflation supérieure à 4% alors qu’en cette rentrée, seulement 7% des entreprises font ce pari. Aujourd’hui, 93% des entreprises anticipent une inflation inférieure à 5% en 2024 et la moitié une inflation inférieure à 4%.
- Interrogées sur leurs priorités, les entreprises répondent en priorité le maintien du pouvoir d’achat, suivi de la préservation du climat social, et uniquement en troisième position, l’optimisation de leur masse salariale. Elles ont donc su trouver les voies et moyens pour éviter l’embrasement social sans tomber dans le piège de l’indexation. Le nombre de réunions de négociation en 2022 a explosé : un grand nombre d’entreprises ont consacré plus de trois réunions en six mois afin de faire la pédagogie du changement en cours, expliquer l’effort consenti, proposer des mesures nouvelles comme la PPV, augmenter la part des augmentations générales, y compris pour les cadres, peu habitués à en bénéficier depuis une vingtaine d’années. Certaines ont innové en prenant en charge une partie de la hausse des cotisations salariales augmentées par les mutuelles, en accroissant les montants des primes transports ou la valeur faciale des titres restaurants. Dans le même temps, elles ont su valoriser l’augmentation des montants de primes de participation et d’intéressement versées au printemps 2022 puis 2023, sans se faire trop d’illusion sur la valeur perçue par les salariés de ces dispositifs d’épargne salariale.
Les résultats ne se sont pas fait attendre : la vague de grèves, de mobilisations et d’occupations d’usines, que certains prévoyaient n’a pas eu lieu, et quelques tensions dans des entreprises du secteur de l’énergie, ne cachent pas la forêt d’un climat social resté globalement calme et maîtrisé sur la question salariale.
Cette combinaison d’augmentations générales étendues aux cadres ou accordées sous forme de talons, d’augmentations individuelles maintenues et de primes nouvelles comme la PPV a permis, comme le montre ce graphe de Rexecode, de recoller le salaire moyen par tête aux prix à la consommation, sans créer une boucle prix-salaire-prix :
Changer de logiciel pour gérer l’après inflation
Si l’inflation baisse, ce n’est pas le ressenti des ménages et des consommateurs : les prix alimentaires restent élevés et la reprise des prix de l’énergie (le plein est capée à 2€ à la pompe) mobilise toute l’attention des pouvoirs publics.
L’objectif de retour à un niveau d’inflation voisin de 2% en 2024 qui demeure l’objectif de la BCE et de nombreuses banques centrales, semblent de plus en plus difficile à atteindre. L’utilisation croissante de la politique monétaire pour réduire l’inflation au moyen du relèvement des taux d’intérêt risque d’entrainer un ralentissement de la croissance en 2024, voire une croissance nulle.
Invité à participer à la restitution du Club REM+ du 21 septembre, Denis Ferrand, Directeur Général de Rexecode, prévoit « en Europe en général et en France en particulier, un léger surcroît de consommation avec les hausses de salaires, mais moins d’investissement et d’emploi. Un risque fort sur la compétitivité à court comme à moyen terme, et d’ancrage dans une situation de stagflation. » Sans parler des gains de productivité en berne qui augurent mal d’augmentations salariales aussi importantes que celles consenties depuis 18 mois. En clair, si l’inflation a ralenti partout, les baisses des taux d’intérêt attendront encore et l’impact des hausses passées va encore se diffuser.
Dès lors, l’objectif de retour à la normale que se fixent les entreprises doit être géré avec doigté :
- La baisse significative des augmentations générales envisagées pour les non cadres (de 3,6% à 2,7% alors que les Augmentations Générales – AG pour les cadres sont quasi maintenues à 2,3%, en plus d’Augmentations Individuelles à 3,1%) ne laisse pas d’inquiéter. Certes, la guerre des talents, plus que jamais, fait rage et les entreprises sont toujours confrontées à des difficultés de recrutement et à des problèmes d’attractivité des salaires conduisant à augmenter les salaires lors des recrutements. Certes, certains métiers restent en tension, dans l’IT, la Finance et pour les techniciens (Techniciens de maintenance, Outilleurs, Couturières, Métiers hôteliers….), mais ce phénomène ne concerne pas que des cadres ou des ingénieurs : les bas salaires doivent continuer à être revalorisés, l’équité interne des rémunérations est en jeu et avec elle, le sentiment de déclassement de nombreux salariés.
- Cela rejoint les priorités du gouvernement. En annonçant l’ouverture d’une Convention sociale sur la question des rémunérations inférieures au Smic et sur l’évolution des salaires et des revenus, les pouvoirs publics ne visent pas uniquement les quelques 80 branches qui ne sont pas encore parvenues à aligner leurs minimas salariaux sur le Smic récemment revalorisé, mais attendent des entreprises une exemplarité salariale. La future loi sur le partage de la valeur va permettre d’ouvrir des négociations dans les entreprises présentant des bénéfices exceptionnels, elle instaure la Prime de Partage de la Valorisation d’une Entreprise sur trois ans, elle libère les plafonds de versement d’actions aux salariés.
- Enfin, il convient de signaler l’adoption d’une directive européenne sur la transparence des rémunérations qui va obliger les entreprises à changer de braquet sur le sujet, au motif que les organisations syndicales et même des organisations extérieurs à l’entreprise vont pouvoir se retourner devant les tribunaux contre les entreprises incapables d’expliquer les écarts non justifiés à poste et responsabilité équivalente : autant l’index jouait la carte du « name and shame », autant ce qui s’annonce semble beaucoup plus contraignant pour les entreprises. Or, il se trouve que, dans l’enquête, le nombre d’entreprises ayant fait du rattrapage salarial femmes-hommes une priorité diminue, passant de 42% en décembre 2022 à 39% en avril 2023 puis 35% en septembre 2023.
- Enfin, un certain nombre de signaux faibles apparaissent sur l’écran des DRH : les demandes de versements d’acomptes de salaire avant la paye explosent, preuve si l’en est qu’un nombre croissant de salariés ne parvient plus à tenir ses fins de mois.
L’heure n’est donc pas au désengagement. Si elle a été évitée, la crise sociale n’est pas écartée. Et ce d’autant plus que le passage à un contexte de stagflation peut engendrer une dégradation de l’emploi et une reprise des restructurations. Plus que jamais, les entreprises doivent soigner leurs NAO. Cela passe par une véritable sensibilisation des Comex et des Codir sur un sujet dont la dimension est à la fois économique et sociale. C’est justement la vocation de l’enquête dont Alixio vient de publier les résultats.
A cet effet, l’équipe rémunération d’Alixio est à votre disposition pour adapter vos dispositifs à la nouvelle donne des rémunérations et mieux communiquer sur le sujet.
[i] L’enquête Alixio a été répondue en ligne durant l’été 2023 par 162 grandes entreprises (au trois quart de plus de 1000 salariés). Elle regroupe tous les secteurs d’activité : les plus représentés étant la métallurgie et l’industrie (34%), le secteur financier (25%), le Commerce et la Distribution (10%), les autres secteurs (Pharmacie-Santé, Agro-alimentaire, Construction-BTP, Transport) représentant 8 ou 9% chacun.
L’heure n’est donc pas au désengagement. Si elle a été évitée, la crise sociale n’est pas écartée.
Rodolphe Delacroix
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