Les élections professionnelles devraient être vécues comme un véritable évènement par les parties prenantes au dialogue social tant du côté des directions d’entreprise que du côté des organisations syndicales. Comment expliquer cela ?
D’abord parce que la loi du 20 août 2008 sur la représentativité syndicale est venue préciser que pour exister dans les entreprises, une organisation syndicale doit recueillir au moins 10 % des voix aux élections professionnelles (contre 8% au niveau de la branche professionnelle ou au niveau national). Ces nouveaux seuils sont ainsi venus offrir, par le biais d’une légitimité prouvée lors des élections professionnelles du CSE, la capacité à négocier et à signer des accords, et à l’inverse, sous ce seuil, rappeler que les organisations syndicales ne sont plus invitées à la table des négociations et perdent une partie structurante de leur action. Certaines d’entre elles doivent d’ailleurs organiser des alliances pour ne pas se voir trop affaiblies ou vouées à disparaitre.
Autrement dit, les relations sociales se traduisent désormais sur les élections professionnelles et sur la généralisation progressive du principe de l’accord majoritaire depuis le 1er mai 2018 (50%). Le scrutin retranscrit clairement une volonté de participation des salariés à la gestion de leur entreprise par l’élection de leurs représentants élus et / ou de leurs représentants syndicaux élus, désignés et légitimés par un résultat minimum exigible. Ces élections deviennent un véritable enjeu ; elles se préparent et s’anticipent. Pourquoi ? parce que le niveau de l’entreprise devient le lieu de la régulation sociale par la fabrique de sa norme conventionnelle et dérogatoire. Parce que le champ des possibles est beaucoup plus large depuis les ordonnances Macron. Les élections professionnelles sont devenues le cœur du réacteur du dialogue social et l’entreprise, le lieu d’ouverture des sujets de transformations et d’emploi.
Les élections professionnelles sont également un instrument de mesure de précision
C’est d’abord un instrument de mesure du nombre de représentants du personnel dans l’entreprise selon les périmètres décidés dans le protocole d’accord préélectoral. A cet effet, le scrutin revêt parfois une importance particulière. La fusion des instances issue des Ordonnances de 2017 opère le plus souvent un allégement du nombre des mandats et un enjeu de taille pour les organisations syndicales dans la dynamique d’action et les moyens octroyés. C’est aussi l’occasion de mesurer l’intérêt que les salariés ont, dans le choix de leurs gestionnaires du CSE et pour la représentation collective dans l’entreprise, grâce au taux de participation au scrutin.
C’est également un instrument de mesure de la représentativité syndicale. Grâce aux élections professionnelles, on établit la capacité des organisations syndicales à négocier (10%), à signer ou s’allier pour signer (50%), ou, à défaut d’obtenir 50%, recueillir plus de 30% des suffrages pour faire valider l’accord signé par un vote majoritaire des salariés de l’entreprise. Faute d’avoir obtenu plus de 30%, aucun accord ne pourra être validé. De plus, dans chaque établissement, on mesurera la capacité d’audience des délégués syndicaux qui seront désignés si et seulement si, ils ont obtenu, à titre personnel, 10% des suffrages valablement exprimés au premier tour des élections.
Enfin, le vote des salariés a un enjeu plus grand, car il établit également la capacité des organisations syndicales à négocier (10%), signer (30%) et s’opposer (50%) au niveau des branches professionnelles et au niveau national interprofessionnel. Les bons résultats permettront de déterminer tous les quatre ans, aux trois niveaux, quels seront les partenaires sociaux et de quels moyens (subventions publiques, financements issus du paritarisme, mises à disposition, détachements, locaux, sièges dans les organismes paritaires, dans les institutions publiques…) ils bénéficieront.
Comment redonner du sens et susciter des vocations ?
Mais au-delà de ces différents enjeux « institutionnels », les directions des relations humaines sont aussi témoins que le dialogue social correspond à un art du compromis permanent où chaque acteur a sa partition à jouer. Qu’il concilie une finalité sociale dans les réponses aux attentes des salariés et une finalité économique dans les enjeux sur l’avenir de l’entreprise. Et, dans la gestion de ces différents types d’intérêt, les représentants du personnel bénéficient de larges missions : représentation des salariés, information et consultation sur l’évolution sociale et économique de l’entreprise, défense des salariés, contrôle, protection et prévention sur la santé et la sécurité des salariés et tout le pan de la négociation collective.
Alors qu’en toute logique, la possibilité de représenter les salariés de l’entreprise devrait suffire à susciter les candidatures aux élections professionnelles, les motivations sont toutes autres et les candidats très (trop) peu nombreux. Mais qu’est-ce qui motive un salarié à postuler comme représentant du personnel ? une véritable vocation ? un besoin de représentation autre dans l’entreprise ? un échec professionnel ? une vengeance et la recherche de protection à la suite d’une sanction disciplinaire ? le besoin de reconnaissance par la direction ? l’opportunité de carrière promise s’il y a constitution d’un syndicat maison ? La liste des motivations est toute aussi longue que désenchantée. Face à la montée des comportements individualistes et au désintérêt des salariés, comment redonner du sens et susciter des vocations ?
Améliorer la communication sociale
On pourrait d’abord proposer d’améliorer la communication sociale pour désacraliser la mission de représentant du personnel ou de représentant syndical, en expliquant par tous moyens (vidéo, tract, panneau d’affichage, scénette de théâtre…) le rôle aet les missions de chacun, en organisant une véritable campagne électorale, comme le font les partis politiques, avec rédaction de profession de foi pour les candidats et débats entre les propositions. La plupart du temps, les élections professionnelles s’arrêtent à l’incitation à participer au scrutin, aux obligations légales côté directions, à la distribution de tracts et à quelques actions de propagande sur le terrain de la part des organisations syndicales. Un protocole d’accord préélectoral pourrait ainsi fixer certaines exigences de communication et de campagne chez les candidats, pour s’assurer d’aller plus loin.
On pourrait également proposer en amont des élections professionnelles un « vis ma vie », et provoquer des évolutions intéressantes, en sollicitant les salariés, sur la base du volontariat, à participer aux réunions du Comité social et économique ou aux réunions de négociations. L’’objectif est ici de sensibiliser le plus grand nombre à l’intérêt et aux exigences du rôle de représentant, ou encore en organisant avec l’aide de la Direction des ressources humaines, un échange de métier pendant une journée professionnelle entre un salarié volontaire et un représentant du personnel…
« Les élections professionnelles sont un véritable enjeu pour l’entreprise et méritent que l’on y consacre du temps, de la réflexion et de la stratégie. »
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