C’est à un voyage dans le temps qu’ont été invités les participants du Club Rem+. « Inflation, salaires : la nouvelle donne ». La situation économique actuelle avec une inflation à plus de 5% oblige à se pencher sur l’histoire économique et sociale de la France et revenir avant 1983, quand l’inflation était durablement installée dans le paysage et que les Français avaient l’habitude que leurs salaires soient directement indexés sur la hausse des prix.
Ce qui se produit aujourd’hui « rappelle cette configuration inédite, explique Philippe Vivien, Vice-Président du Groupe Alixio. A la sortie de la crise du Covid, nous pensions avoir à faire face à une inflation à zéro et un chômage à 12%, or les entreprises doivent faire face à une inflation à 5%, à un taux de chômage à 7.5% et des tensions inédites sur le marché de l’emploi. »
Cette nouvelle donne est à la fois brutale et difficile à piloter pour des entreprises qui bien souvent ont perdu la mémoire des relations sociales d’il y a plus de 30 ans.
Innover pour satisfaire les collaborateurs sans tomber dans la spirale prix/salaires
« Les 25 grandes entreprises que nous avions interrogées à la fin de l’année 2021 avaient des budgets d’augmentation des salaires médians autour de 2.25%, note Rodolphe Delacroix, directeur de la Practice Rémunérations et Actionnariat salarié du groupe Alixio. Or les budgets ont explosé, sous l’effet de la configuration nouvelle. Les entreprises subissent un double choc sans précédent à cause de la crise de l’énergie due à la guerre en Ukraine et de la Covid. »
Reste à trouver les moyens de satisfaire les collaborateurs, sans basculer dans la situation d’avant 1983, de la spirale prix/salaires. Certaines entreprises sont déjà sur le fil : en six mois le smic a déjà connu trois hausses, certaines branches professionnelles ont basculé sous les minimas. D’autres ont choisi d’augmenter fortement les salaires, pour attirer les salariés et faire face à une pénurie de main d’œuvre qui devient structurelle, comme l’hôtellerie restauration qui a décidé d’augmenter ses minimas de 16%.
« Il faut faire preuve d’imagination, note Rodolphe Delacroix. Les entreprises peuvent mobiliser d’autres moyens pour montrer à leurs salariés qu’elles répondent à leurs préoccupations de pouvoir d’achat. » Certaines proposent des forfaits mobilité, une majoration des tickets restaurant ou de la part patronale de la complémentaire santé, un recours à des primes ou une amélioration de l’intéressement et de la participation.
Quelle stratégie salariale pour 2023-2024 ?
Les entreprises doivent surtout anticiper et construire leur stratégie pour 2023/2024 même si les paramètres restent flous. Philippe Vivien a sondé des DRH qui ont connu la situation des années 80 pour tirer des enseignements pour l’avenir. Plusieurs options reviennent fréquemment : requestionner la possibilité de négociations pluriannuelles, réinstaurer des Négociations Annuelles Obligatoires avec clause de revoyure systématique, ou bien encore échelonner les dates de versement des augmentations. Sans oublier de maintenir des garanties, comme « un pourcentage minimum de salariés qui seront augmentés ou des talons d’augmentation pour les plus bas salaires ». A défaut, face à la pression liée à l’inflation c’est tout le dispositif d’individualisation des rémunérations qui pourrait se retrouver mis en cause.
« Le contexte d’aujourd’hui est complexe et inédit depuis les années 80, poursuit Rodolphe Delacroix. Il va obliger les entreprises à trouver des solutions innovantes pour répondre au problème de l’inflation en montrant que la politique salariale n’est pas une fin en soi, et qu’elles sont capables d’imaginer des solutions innovantes. »
En matière de lutte contre l’inflation, le salaire n’est pas tout
La palette des solutions qui s’offrent aux entreprises pour améliorer le pouvoir d’achat de leurs collaborateurs peut être plus large. Ainsi, « ce sont toutes les politiques RH qui peuvent être mobilisées pour répondre à la hausse des prix », comme l’explique Rodolphe Delacroix. Certaines entreprises peuvent améliorer ce qui a un impact direct sur la vie quotidienne des salariés, comme en améliorant le forfait mobilité, en rehaussant la valeur des tickets restaurants, en mettant en place des CESU garde d’enfants avec une part patronale ou en améliorant la prise en charge par l’employeur de la complémentaire santé…
Les entreprises peuvent aussi penser prime, comme la « Prime Macron », dont on ignore pour l’instant si elle sera reconduite. Mais surtout elles peuvent mobiliser l’intéressement et la participation et réfléchir à des solutions d’actionnariat salarié. Le paquet « inflation pouvoir d’achat » promis dès l’été par le nouveau gouvernement d’Elisabeth Borne devrait permettre d’y voir plus clair sur les innovations législatives attendues en la matière.
Ce sont toutes les politiques RH qui peuvent être mobilisées pour répondre à la hausse des prix.
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